"Nord Littoral", 3 mai 2009
Un échange de spécialistes est en cours entre la France et la Grande-Bretagne
Français et Britanniques envisagent de procéder prochainement à un échange de compétences. Un spécialiste anglais des "charters" devrait intégrer le ministère de l'Immigration ou des Affaires étrangères
L'information est pour le moment confidentielle. Les négociations suivent leur cours. Un échange d'experts est en passe de se réaliser entre les gouvernements français et britanniques afin de mieux lutter contre l'immigration clandestine.
Le spécialiste qui sera missionné en France aura pour principal objectif la mise en place de vols communs pour des retours forcés de clandestins à destination de l'Afghanistan. La Grande-Bretagne souhaite avec force co-affréter ces "charters" avec la France.
« La France doit pouvoir renvoyer les clandestins chez eux »
« Très vite je pense que nos gouvernements pourront ensemble mettre en place des vols de retours forcés », gage Phil Boyle, consul général de Sa Majesté britannique à Lille. L'automne dernier, les autorités britanniques avaient sollicité les autorités françaises pour co-affréter un avion à destination de l'Afghanistan. Un vol Londres-Paris-Bakou-Kaboul était programmé qui avait dû être annulé par deux fois (lire ci-dessous). « Nous sommes en négociation et en discussion avec les Français pour nous assurer qu'il sera possible d'expulser les gens , ajoute Phil Woolas, ministre de l'Immigration. Les Français arrêtent les clandestins, mais le problème est qu'ils sont parfois obligés de les remettre en liberté en raison de leur cadre légal. Il faut faire en sorte de créer la possibilité de renvoyer les clandestins dans leur pays après les avoir arrêtés. »
L'Afghanistan n'est pas stabilisé
Les Britanniques n'éprouvent aucun remords à renvoyer les Afghans chez eux.
« Ce serait ridicule de dire que l'Afghanistan est stabilisé », reconnaît le consul général de Sa Majesté britannique avant de nuancer : « Mais plusieurs régions sont suffisamment sécurisées pour qu'on puisse y renvoyer des Afghans.
» La plupart sont cependant déclarées « non sûres » par le Haut-Commissariat aux réfugiés. Les expulsions collectives sont en outre contraires à la convention européenne des droits de l'Homme. La Grande-Bretagne s'en défend, affirmant que chaque expulsion est examinée au cas par cas. « Nous travaillons avec le gouvernement afghan et notre ambassade à Kaboul et nous assurons que les gens que nous renvoyons ne courent aucun danger. Nous prenons des mesures pour que ces personnes soient hébergées et essayons d'entrer en contact avec les familles », vante Phil Boyle, consul général. L'an passé, l'Australie avait renvoyé plusieurs Afghans qui avaient tous été tués ou mutilés...
21 000 euros par expulsion
C'est pourquoi la Cour européenne des droits de l'Homme avait sommé la France de surseoir au renvoi par charter d'immigrés afghans vers leur pays cet automne.
L'objectif des Britanniques est en outre de partager les frais des reconduites. Le coût d'un retour forcé est évalué à 21 000 euros environ, selon la commission des finances du Sénat qui préconise de « développer l'aide au retour volontaire des personnes en situation irrégulière », moins chère.
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Les volte-face françaises
- 21 octobre 2008 - Vingt-cinq Afghans comparaissent au tribunal à Coquelles. Tous sont placés au centre de rétention administrative de Coquelles (Cra) pour quinze jours. La préfecture espère que les autorités afghanes délivreront un laissez-passer avant cet ultimatum. Vingt autres Afghans comparaîtront le lendemain.
- 22 octobre 2008 - "Nord Littoral" révèle que les autorités françaises et britanniques s'accordent pour affréter un "charter" à destination de l'Afghanistan. Objectif : renvoyer une cinquantaine d'Afghans. Gérard Gavory, sous-préfet de l'arrondissement de Calais, confirme sans ambages : « Nous travaillons effectivement à la mise en place de vols communs avec la Grande-Bretagne. » 25 octobre 2008 - La cinquantaine d'Afghans est relâchée. L'avion franco-britannique ne peut être affrété. « Le vol n'a pu avoir lieu, reconnaît le sous-préfet. Le dispositif reste d'actualité. » Français et Britanniques n'ont pas réussi à obtenir les autorisations nécessaires d'un pays qui a refusé que le charter survole son territoire.
- 6 novembre 2008 - La Cimade (seul groupement autorisé à intervenir dans les Cras) dénonce la mise en place d'un second charter : « Un vol Londres-Paris-Bakou-Kaboul est prévu dans les jours à venir. Cinquante-sept Afghans interpellés sur Calais et Dunkerque vont être renvoyés. » La préfecture du Pas-de-Calais confirme que les autorités britanniques « ont proposé à la France de participer à des vols groupés vers l'Afghanistan » indiquant toutefois qu'elle ne dispose pas de « date de vol dans les prochains jours ».
Plusieurs associations et partis politiques manifestent devant le Cra. Ils crieront leur colère chaque soir jusqu'à l'nnulation du projet.
- 7 novembre 2008 - Le consul d'Afghanistan en France rencontre plusieurs clandestins retenus au Cra de Coquelles.
L'objectif est que le diplomate délivre un laissez-passer afin que les Afghans puissent être renvoyés.
- 8 novembre 2008 - L'ire de la Cimade, d'Amnesty International ou de la Ligue des droits de l'Homme gonfle avec le souffle d'autres mouvements. Tous les médias relaient la mise en place de ce vol.
Une dizaine d'Afghans du Cra de Coquelles sont transférés au Cra de Lille-Lesquin. En reste une quarantaine à Coquelles.
- 11 novembre 2008 - Le ministère de l'Immigration, alors sous gouvernance Hortefeux, reconnaît que « les autorités britanniques ont proposé aux autorités françaises de participer à ces vols, pour organiser le retour en Afghanistan d'un certain nombre de personnes qui se trouvent à Calais » mais précise que « cette possibilité est examinée par le ministère de l'Immigration et le ministère des Affaires étrangères ».
- 12 novembre 2008 - L'écrivain franco-afghan Atiq Rahimi, lauréat du prix Goncourt 2008, dénonce le renvoi d'Afghans chez eux.
-17 novembre 2008 - La France indique qu'elle ne donnera pas suite à la demande du Royaume-Uni. Le vol était prévu au départ de Londres le mardi 18 novembre, avec escale à Lille avant de rejoindre Bakou et Kaboul.
- 12 février 2009 - Nouvellement nommé ministre de l'Immigration, Eric Besson rencontre Phil Woolas, son homologue britannique.
Celui -ci convient d'aider au renforcement des contrôles, au démantèlement des réseaux...
- 1er avril 2009 - Phil Woolas, ministre britannique des Frontières et de l'Immigration insiste : « Les Français doivent pouvoir expulser les clandestins après les avoir arrêtés. » Printemps 2009 - Les autorités françaises et britanniques envisagent l'échange d'experts. Les Français devraient bénéficier du renfort d'un spécialiste des charters.
http://www.nordlittoral.fr/actualite/la_une/article_1036826.shtml
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