Subject: [CRSP-info] Calais le choc
Calais montre concrètement jusqu'où peut aller la chasse aux réfugiés et aux sans papiers : l'horreur, l'humiliation. Calais est une violence
insupportable, inadmissible !
A l'initiative du Collectif de Soutien aux Demandeurs d'Asile et aux Sans Papiers de Tours et de SôS Soutien ô sans papiers de Paris une vingtaine de personnes venant de Tours, Paris, Marseille, Lille, Angers, Blois, Rennes et Saumur se sont déplacées le 31 décembre à Calais. Elles avaient répondu à l'appel « Chasse à l'homme à Calais, ya basta ! ». L'objectif était de manifester notre solidarité avec les réfugiés, de rencontrer les associations et collectifs les soutenant et d'apporter des couvertures, duvets, nourriture...
Ce fut pour nous un véritable choc ! Plusieurs centaines d'êtres humains (principalement des jeunes hommes, dont certains n'ont pas 18 ans) sont obligés de faire la queue, dans le froid, devant une salle pour obtenir de quoi manger.
La distribution, organisée par le collectif C'Sur, dure des heures. Cela
peut conduire à des bousculades plus ou moins violentes entre les personnes faisant la queue. Beaucoup mangent sur place, au froid. Tout peut servir de table, telle cette Mercedes garée à proximité.
Le soir l'association Salam distribue un repas chaud pour les réfugiés. Là encore des centaines de personnes attendent leur tour pour se restaurer.
Les rapports entre Salam et C'Sur relèvent de la guerre de tranchées.
Passons sur les noms d'oiseaux que se lancent mutuellement les membres de ces deux structures. On ne peut que le déplorait. Leurs actions sont essentiellement humanitaires et laissent peu de place au débat politique sur la liberté de circulation par exemple.
A quelques kilomètres de là, il y a la « Jungle ». Sur des terrains boisés, laissés à l'abandon, les réfugiés ont construit des abris : de petites cabanes faites de sacs en plastiques et de morceaux de bois provenant de palettes.
C'est pire que les bidonvilles qu'on a connu dans les années 50/60 dans la région parisienne ou ailleurs. Les cabanes ne permettent pas de se tenir debout.
Elles servent d'abris pour dormir à même le sol. Les gens se retrouvent autour des feux allumés au pied de ces abris. Là on rencontre beaucoup de monde venant principalement des pays victimes de la guerre antiterroriste (Afghanistan, Irak), mais aussi des Érythréens, des Soudannais, des Palestiniens, etc.
A côté de la Jungle, il y a des maisons, qui en cette période de fêtes de fin d'année, brillent de guirlandes. Visiblement leurs habitants ne semblent pas très émus de ce qui se passe à côté de chez eux ! De même, des bus municipaux passent sur la route limitrophe sans que les voyageurs soient gênés ! Là encore le choc !
La plupart des réfugiés veulent aller en Grande Bretagne et ne souhaitent pas rester dans le Pas de Calais. Mais... la frontière est fermée ! Ils ne pourront la franchir que clandestinement, avec tous les risques (physiques, policiers) que cela comporte.
Ces conditions de vie ne sont pas encore assez dures pour l'Etat, la
préfecture.
Cette dernière organise de véritables chasses à l'homme. Plusieurs personnes témoignent des exactions des policiers. Ainsi, les CRS gazent régulièrement les gens pour les faire sortir de leur cabane et les matraquent. Il en va de même, lorsque les flics croisent des réfugiés à côté de la Jungle. Parfois, les flics brûlent leurs couvertures, leurs duvets, voire leurs chaussures, même en plein hiver !
Les compagnies de CRS sont relevées environ tous les deux mois. Or, depuis des années des témoins constatent ce même comportement des flics. Cela conduit donc à penser que ces exactions ne sont pas le fruit de quelques pandores zélés, mais qu'elles se commettent, pour le moins, avec le consentement des autorités préfectorales !
Cette situation dure depuis 2002, lorsque Sarkozy, alors ministre de
l'intérieur, a ordonné la fermeture du camp de Sangatte, géré par la Croix rouge. L'objectif est évident : faire en sorte que les réfugiés quittent la région, pour aller où ? Or depuis 6 ans, près de 1000 personnes séjournent sur les côtes du Pas de Calais. Certaines arrivent à franchir la frontière au bout de plusieurs mois. Mais il en arrive toujours de nouvelles, avec toujours la même aspiration : vivre en Grande Bretagne.
On ne peut accepter cette situation. Il est intolérable que l'Etat, les
collectivités territoriales (la Région, le Conseil général et la mairie)
laissent la situation perdurer. Comment se fait-il, par exemple, que des mineurs ne puissent bénéficier des prestations de l'Aide Sociale à l'Enfance ? Ce service, dépendant du Conseil général, est dans l'obligation d'assurer des conditions de vie décentes et la protection pour toute personne mineure, quelque soit sa situation administrative.
Sarkozy, avec le consentement de la plupart des élus locaux (dont Jack Lang député de la 6e circonscription du Pas de Calais), en fermant Sangatte, n'a fait qu'empirer une situation déjà bien dégradée lorsque le camp de Sangatte fonctionnait. Il n'y a d'autre solution que l'ouverture de la frontière pour que des êtres humains puissent vivre où ils veulent et ne plus connaître l'inhumanité étatique.
Dans l'immédiat, il importe d'informer, d'analyser sur ce qui se passe dans le Pas de Calais pour tenter d'arriver à mobiliser le plus grand monde possible sur le thème : « on ne peut pas accepter que des êtres humains soient dans un tel dénuement et être traités de la sorte ».
La seule réponse politique réaliste et immédiate est l'ouverture des
frontières.
C'est donc bien de la liberté de circulation dont il s'agit. C'est une
condition nécessaire mais non suffisante. A quoi servirait la possibilité de pouvoir circuler si l'on ne peut s'installer ? Il faut aussi revendiquer la liberté d'installation dans toute l'Europe, dans le monde. On ne peut dissocier ces deux revendications à moins d'admettre que des personnes puissent aller et venir sans pouvoir vivre où elles le souhaitent. Cela conduit donc à la régularisation de tous les sans papiers. Ces trois revendications sont indissociables.
Tours, le 3/01/09
JC
Article paru dans No Pasaran n° 72
janvier-février 2009
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